C'est en 1997 qu'Invader a commencé à coller ses mosaïques sur des murs d'immeubles. En 20 ans, 3400 œuvres dans 70 villes. Simplicité de la forme et persévérance ont fini par payer. Mais l'argent et la notoriété ne se promènent jamais sans leur fidèle compagnon : l'esprit petit bourgeois.

 

Certains artistes prennent la notoriété d'assaut. Sans attendre l'avis du monde de l'art et de ses poussiéreuses institutions, ils installent d'autorité leurs œuvres dans la rue, à la manière des musiciens qui font la manche dans l'espace public.
Si par extraordinaire le succès est au rendez-vous du côté du monde de l'art et de ses poussiéreuses institutions, les œuvres installées dans la plus parfaite illégalité se retrouvent dans un statut juridique étrange : bien qu'elles n'appartiennent à personne, elles valent des sous.

Ne sommes-nous pas devant le cas de ces fruits qui tombent d'un arbre sur un chemin communal? D'un objet abandonné sur un trottoir? Les règles concernant l'ancien glanage, les choses sans maître ou les res derelictae ne peuvent-elles s'appliquer aux mosaïques d'Invader?
Certes non, quand ces objets abandonnés peuvent se vendre pour plusieurs dizaines de milliers d'euros et qu'une spéculation bien menée peut leur faire atteindre un jour des prix pharamineux. Car dans le monde de l'art contemporain (qui dévoile le fondement de toute notre société), c'est le prix de l’œuvre qui lui donne sa valeur, formule qui semblera sans doute digne de La Palice, mais qui est pourtant à l'exact opposé des opinions anciennes.

Aujourd'hui, le seul moyen d'attaquer ceux qui décollent les œuvres d'Invader est de leur reprocher de se faire passer pour des fonctionnaires municipaux chargés du nettoyage, et ceci afin de... nettoyer! Délit dont on attend avec gourmandise la sanction.
Une modification de la loi est pourtant difficile à imaginer, puisqu'il conviendrait de protéger (classer à l'Inventaire ?) tout ce qui est abandonné dans la rue, écrit sur les murs ou même déféqué sur un trottoir (Manzoni ?) en attendant de voir si le marché lui confère un statut (prix) respectable ou s'il s'agit bien d'une chose dénuée de valeur (financière).

Invader et ses agents n'en sont pas à leur première procédure. L'artiste qui dépose négligemment ses œuvres éphémères au coin des rues, bravant la maréchaussée au nom de la poésie et signant d'un pseudonyme pour fuir la notoriété, devient, une fois celles-ci bien cotées, plus que chatouilleux sur le droit d'auteur. Et le mystérieux Invader redevient, pour défendre ses sous, Franck Slama (né en 1969).

PS. On s'offusque qu'on puisse s'approprier ces œuvres maintenant qu'elles valent des sous. Pourtant, l'ancien droit de glane stipulait qu'on ne pouvait ramasser qu'après la récolte. Cueillir des fruits avant celle-ci relevait du vol. (article R26 10 de l'ancien code pénal)

 

 

Vol d’œuvres de l’artiste Invader : la mairie de Paris porte plainte contre les faux agents municipaux

Ces faux agents ont décollé et volé des fresques en mosaïques réalisées par le street artiste Invader dans la capitale.

Ils croyaient s’être fait un business juteux. C’était sans compter la puissance des réseaux sociaux, les fans de street art et surtout la colère de la Mairie de Paris !
Lundi, un représentant de l’Hôtel de ville portera plainte « contre X pour usurpation de fonction ». Dans le collimateur ? Deux hommes qui se font passer pour des agents la DPE (Direction de la propreté et de l’eau de la ville de Paris), censés assurer la propreté et l'entretien de l'espace public et qui en fait sont deux pilleurs d’œuvres du street artiste Invader. En guide de riposte, des internautes n’ont pas hésité à diffuser leur photo sur Twitter !
Depuis une dizaine de jours, ces pseudo-agents municipaux, arborant des gilets jaune fluo et roulant en Mercedes ( !) ont décollé, avec un certain culot, en plein jour, plus d’une vingtaine de fresques de « Space Invaders » - petits bonhommes en mosaïque pixel inspirés du jeu vidéo de 1978.
Une oeuvre d’Invader adjugée 250 000 euros
«Évidemment, analyse Mehdi Ben Cheikh, l’incontournable galeriste parisien de street art, qui connaît bien l’artiste, ce pillage, c’est du business. Une fresque peut se revendre quelques milliers d’€. La cote d’Invader a flambé ses dernières années ». En 2016, une de ses œuvres a été adjugée 250 000€ chez Artcurial !
Invader, lui, ne peut rien faire pour défendre ses mosaïques collées la nuit, souvent sans autorisation ! Il avait pourtant tenté en 2016 un procès contre deux pilleurs. La justice l’a débouté.
Reste que la mairie de Paris, qui aime les mosaïques d’Invader, a eu la vie dure ces derniers jours. Elle n’a eu de cesse de marteler que ces agents étaient des usurpateurs. Vendredi, sa porte-parole, excédée, a cependant réussi à convaincre un journaliste particulièrement coriace : « De toute façon, les employés de la ville ne roulent pas en Mercedes !»
  leparisien.fr 5 août 

 5 août 2017
On ne peut résumer l’œuvre de Vito Acconci (1940-2017) à son Seedbed. Je n'évoque ici cette performance que parce que je l'avais oubliée dans le billet sur les expositions vides.
En effet, le public qui pénétrait dans la galerie Sonnabend en janvier 1972 (et non en 1971 comme on l'indique souvent par erreur) pouvait penser se confronter de nouveau à un pur travail sur le vide. Seuls les soupirs et les mots proférés à voix basse qui s'échappaient d'un unique haut parleur lui faisaient réaliser qu'il se trouvait partie prenante d'une performance sophistiquée.

I'm turned to myself: turned onto myself: constant contact with my body (rub my body in order to rub it away, rub something away from it, leave that and move on): masturbating: I have to continue all day—cover the floor with sperm, seed the floor.



Le public de la galerie Sonnabend croyait sans doute dans un premier temps se confronter à la problématique du vide. Seuls les chuchotements diffusés par le haut parleur pouvaient l'orienter vers la véritable dimension de la performance.




Un faux plancher avait été installé dans la salle d'exposition. Deux après midi par semaine, l'artiste se glissait dans le faible espace ménagé entre sol et plancher, et durant de longues heures, ils se masturbait en évoquant le public qui marchait au dessus de lui.
Contrairement à ce que prétendent obstinément les critiques, il ne pouvait évidemment se livrer à cette seule activité que pour un temps limité. On ignore absolument comment il occupait son temps pendant ses périodes de récupération, ce qui laisse place à de nombreuses suppositions.

Une video a enregistré cette performance. Elle n'est, bien sur, pas à mettre entre toutes les mains.


Sous le faux plancher de la galerie Sonnabend, Vito Acconci se tripotait, instaurant d'autorité une intimité entre l'artiste et son public.





En 2005, Marina Abramović a reproduit Seedbed au Musée Guggenheim. L'effet produit était totalement différent, l’œuvre étant alors connue du public. D'autre part, un haut parleur de grande taille avait été installé afin que les soupirs de la performeuse emplissent tout l'espace.

“Ohhhhh, yes, I love you…. Oh,o h, yes, I need you…. I need your permanent erection … uunn … ohh,”


   Dans Undertone (1972), Vito Acconci se tripote en nous faisant partager
ses fantasmes à propos d'une femme imaginaire, assise à la place du
spectateur.


Vito Acconci a été récompensé par de nombreux prix et bourses. En 2000, il a même été nominé pour le prestigieux prix Hugo Boss.